J'ai eu la chance d'être invitée à montrer mon travail à l'ILEP.
Ce public n'a pas l'habitude de regarder des films d'auteur. La télévision
n'offre pas de diversité de regard.
Pourtant, ils ont fait preuve d'audace et j'ai été subjuguée par leur
écoute.
Il est faux de dire que les films difficiles ne sont accessibles qu'à une
minorité éduquée.
Mais, il suffit de confronter ces films réputés difficiles à un public
comme celui de l'ILEP pour se rendre compte que ces films leur parlent parce que
leur sensibilité est à fleur de peau.
Ces meurtris de l'existence ont une curiosité, une fraicheur de regard, une
générosité rares. Leurs vécus affleurent dans la forte présence qu'ils ont à
eux-même et c'est ça que j'ai cherché à dévoiler en m'attardant avec eux, en
jouant avec une caméra sans avoir peur d'affronter les moments de vide, de
silence. Leur gaité intérieure quelquefois terrassée par la dépression et on le
serait à moins, les rend humbles et se rappelant toujours qu'il y a plus
malheureux qu'eux. Une vraie leçon de vie. J'ai voulu travailler avec eux
pendant la durée de ma résidence pour élaborer une relation en profondeur. Ils
sont presque inquiets de tant d'intérêt tellement leur parcours chaotique est
semé de jugement d'exclusion à leur égard.
J'ai besoin de ces rencontres pour nourrir mon travail et si j'habitais
Tourcoing je continuerais ce travail avec eux.
A l'ILEP, ils s'autorisent à s'exprimer. Leur parole se libère. Leur
sincérité est riche de leur vécu, de leur souffrance. Ils ne demandent qu'à se
libérer du formatage ambiant délétère. C'est en ça que cette rencontre
m'émeut.
Je suis très heureuse de les avoir rencontrés et d'avoir fait un travail
d'expérimentation avec eux durant les 4 mois de ma résidence d'artiste à
Tourcoing.
"La caméra change de main" (6mn) présenté à la Condition Publique jusqu'au
11 mars 2012 a été réalisé avec eux.
Françoise
Romand